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21 septembre 2016 3 21 /09 /septembre /2016 20:19

On sait quand et comment s'est construit le mythe, à quel César il faut le rendre.

C'est lui l'inventeur, au sens archéologique du terme, de ces Gaulois dont il dit, au début du De Bello Gallico, qu'ils se nommaient eux-mêmes, dans leur langue, « Celtes ».

Ce terme, César ne l'a pas complètement inventé, pas plus que les défauts et qualités qu'il leur prête.

C'est au moment où les Romains conquièrent progressivement les Grecs, les Celtes, les Juifs (et se heurtent aux Perses), qu'ils rencontrent le Barbare.

Certains l'incarneront parfaitement et pour longtemps, je parle des Germains. D'autres, c'est le cas des Gaulois, hésitent encore, entre le chaos (le fameux tumultus gallicus) et l'ordre (forcément romain), s'ils ne sont plus vraiment sauvages, ils ne sont pas tout à fait civilisés. D'où l'ambivalence du regard qui est porté sur eux.

César emprunte aux Grecs leur ethnocentrisme et cette tradition qu'a étudiée Arnaldo Momigliano dans son livre Sagesses barbares, l'ethnographie. Avec ce voyageur curieux de tout, Posidonius, à qui César doit tant et oublie -c'est la règle- de rendre hommage. Les Gaulois ne sont ni rabaissés, ni idéalisés, Posidonius décrit sans préjugés, sans les railler leurs coutumes, signale aussi bien leurs vertus que leurs vices. En évitant les généralités, et ce qu'on appellerait aujourd'hui l'essentialisme. Ce qui vaut pour un peuple gaulois ne vaut pas nécessairement pour l'autre, par exemple, tous n'ont pas le même rapport à l'or. Tous ne se montrent pas pillards, prodigues, tous ne sont pas éloignés du luxe et n'ont pas le respect du divin.

Ethnocentrique, César l'est évidemment quand il présente la Gaule divisée en trois parties, qui diffèrent en tout et notamment par la langue. On en déduit que Rome apporte à ces sauvages, ici les Gaulois, la civilisation, c'est-à-dire l'unité.

En même temps, et la contradiction ne le dérange pas, le civilisé a, devant ces sauvages, la nostalgie, sinon de l'âge d'or, du moins de la « pureté ». Ces Gaulois, au moment où les Romains les découvrent, apparaissent plus « mélangés » que les Germains, plus contaminés par les produits et le mode de vie romains. Ceux qui ont gardé intactes les vertus du sauvage, ce sont les Germains. Parce qu'ils n'ont pas voyagé, et que les marchands ne se sont pas risqués dans ces contrées lointaines, hostiles qui, avec leurs forêts, leurs marais, ressemblent aux enfers.

De tous ces peuples (qui composent la Gaule), les plus vaillants sont les Belges. Pour cette raison qu'ils sont les plus éloignés du luxe de la « Province romaine », et les plus proches des Germains avec qui ils se battent continuellement. Ils ont conservé, par leur éloignement et à force d'entraînement, leur hardeur, comme l'écrivait joliment une jeune latiniste, l'ardeur au combat que les Romains ont perdue, ils ne sont pas gagnés par la « mollesse ».

On retrouve l'ethnographie au XVIII ème siècle, avec le mythe du bon sauvage qui donne à notre Gaulois une nouvelle chance. Celle d'incarner le mépris de l'or, le refus de la propriété. On sait ce que la Révolution doit à Rousseau.

La Révolution instrumentalise le Gaulois. Le tonnelier, comme son tonneau, vient de Gaule, c'est de là qu'il monte. Tandis que la noblesse descend de l'aristocratie franque.

Quand les émigrés prennent les armes contre la République, c'est le peuple gaulois qui se dresse pour la défendre.

C'est lui qui se bat contre la Prusse en 1870, puis en 1914. Vercingétorix devient, dans les livres d'histoire, le héros fédérateur du peuple gaulois, celui qui offre, sur le plateau de Gergovie, une victoire écrasante aux Français. Qui fait oublier les défaites passées et à venir. Qui les fera avaler. Si le régime de Vichy met en avant le vieux chef gaulois, c'est parce qu'il a fait à la France, en 52 av. J.-C., « le don de sa personne »! Et aussi, en jetant ses armes aux pieds de César, montré la voie de la collaboration!

Mais revenons à l'autre. Au Monsieur qui joue le peuple contre les élites, la province contre Paris. Pardon, les régions. Les régions qui pilotent l'érection. Sa Gaule, en dehors de quelques nostalgiques de la trique, (ceux-là préféreront toujours l'original à la copie, le grand-père à la petite-fille, la petite-fille à la fille, la fille à cet Attila qui monte sur leurs ergots et piétine leur gazon), elle ne fait pas bander. Il aura beau mulcher la mauvaise herbe, garder leur pelouse avec sa mâle assurance et l'opiniâtreté du robot de tonte, ils le regarderont toujours comme un Gaulois de fraîche date. Une tache dans le paysage.

Musée Sainte-Croix, Poitiers.

Musée Sainte-Croix, Poitiers.

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commentaires

A
Merci Denis , ça fait du bien !
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P
Denis, cette Gaule a de la gueule.... C'est fort réjouissant, l'ignorant auquel on pense oserait un "fort de café" puisqu'il ne sait rien sur rien, mais ose tout...
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D
Bien envoyé, ton commentaire. Bien reçu aussi.