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6 octobre 2020 2 06 /10 /octobre /2020 07:31

Le Treipaïs est une invention. Une drôle d'invention. Qui est à la pâtisserie ce que les gentils monstres résultant de la fusion de communes sont à la toponymie.

Il est né, comme Aigondigné (l'exemple qui me vient à l'esprit), d'une volonté politique.

Aigondigné. Nom inventé, non par un archéologue mais pour la bonne cause, celle du regroupement de communes et de la mutualisation des dépenses. Aigondigné, donc. Commune nouvelle, située dans le département des Deux-Sèvres, en région Nouvelle-Aquitaine. Résultant de la fusion -au 1er janvier 2019- de la commune de Mougon-Thorigné (ancienne commune nouvelle résultant de la fusion des deux communes de Mougon et de Thorigné) et des communes d'Aigonnay et Sainte-Blandine. Aigondigné, il n'y a pas à dire, ni surtout à s'indigner, cela sonne comme un nom -comme Secondigné qui existe dans le département, et pas très loin-, c'est un nom possible sinon réel, un nom vraisemblable. Il ne détonnera pas. Il ne fera pas tache. Contrairement à d'autres monstres que l'on peut découvrir aujourd'hui sur la carte ou en voyageant.

Le Treipaïs est né, lui, de la volonté de trois présidents (ceux des départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne) qui souhaitaient créer un produit représentant et valorisant le Limousin, que ce soit par sa forme ou sa composition.

Le gâteau aurait la forme d'un triangle. Les trois côtés représentant les « trois pays » : les trois départements.

Il aurait trois parfums : la châtaigne, la noisette et le chocolat.

Trois tailles seraient proposées :  trois, six ou neuf parts.

Je veux rassurer ici le lecteur de Proust, friand de « noms de pays », et l'amateur de Creusois, de Galette Corrézienne ou de Burgou. Ils n'ont rien à craindre de ce remembrement tardif. Cette deuxième lame n'effacera pas le peu qui reste du paysage dans nos assiettes, elle redonnera plutôt, quand elle ne la créera pas, une mémoire. Celle des « trois pays » réunis dans ce gâteau.

Un gâteau qui ne régalera pas seulement l'archéologue, avec ses strates, mais qui plaira aussi aux becs sucrés, avec sa mousse aux marrons, puis au chocolat noir, avec sa dacquoise et son praliné croustillant à la noisette.

La châtaigne, comme le rappelle le petit marron qui nous accueille, entre les deux feuilles et avec un chocolat, est l’emblème du Limousin.

Elle nous dit ici que le Tréipaïs est une création, certes, mais locale, et porteuse de traditions, d'histoire, de savoir-faire humain, qui est rattachée à un terroir et qui a un goût spécifique. Qu'elle a sa place dans les Sentinelles du goût de la Nouvelle-Aquitaine. À côté de la jonchée, du jambon Ibaïama, du grenier médocain, de l'andouille béarnaise et du blé rouge de Bordeaux.

Nous avons, nous aussi, la volonté. Que cette invention perdure. Qu'elle dure « plus longtemps que la foire à Niort ». Comme on disait dans les Deux-Sèvres. Comme on dit encore, qui sait, du côté d'Aigondigné.

 

 

 

Je serai avec ce texte, avec Marc Deneyer et avec Glen Baxter, dans L'Actualité Nouvelle-Aquitaine N° 131, janvier, février, mars 2021.

Treipaïs
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