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26 mars 2021 5 26 /03 /mars /2021 08:09

S'il est un livre qu'il faut lire couché, c'est celui-là. Couché sur un sol humide, comme Jean-Jacques Salgon dans la grotte de Baume Latrone, ou à défaut allongé sur son lit, dans le confort de sa maison, à regarder au plafond, se faire son cinéma. Un cinéma où l'on se rend à bicyclette, « avec le même entrain que Bernadette Lafont », où l'on pédale avec Les Mistons, où l'on découvre avec eux, avec celui qu'on surnomme Moustique, un nouveau réseau où d'autres après eux pénétreront.

Il faut être un gamin, un gringalet comme ce Moustique ou bien Robot, le chien de Marcel Ravidat (l'inventeur de Lascaux), pour découvrir pareilles merveilles. Ou Jean-Jacques Salgon à Chauvet, le 4 août 2004 (premier texte), ou dans la grotte de Baume Latrone, le 15 février 2020 (troisième texte).

« Nous progressons en file indienne dans une galerie sur les parois de laquelle, au gré des éclairages, se laissent lire divers graffitis et griffades laissés par ceux qui nous ont précédés. » Les Mistons dont Moustique, mais aussi, avant eux, les ours et les hommes. Ceux qui, il y a plus de 37000 ans, ont laissé Des graffs dans la nuit. Nous ont laissé ces mammouths (Salgon en compte sept), à propos desquels il précise, « et plutôt que des images de mammouths, ces tracés digitaux évoquent quelque chose comme l'idée qu'un humain peut s'en faire. Car ils sont extrêmement stylisés et d'une troublante modernité. Il semble évident que cet ensemble, qui regroupe une dizaine d'animaux, est sorti d'une même main et sans doute dans un geste qui a réglé en un éclair leur tracé et leur agencement. On reste subjugué devant tant de virtuosité, tant de ''magique-circonstanciel'' (pour reprendre un mot de Breton) avec en plus le sentiment de la rapidité du tracé et d'une sûreté extrême dans l'exécution qui rappelle tel dessin de Picasso ou de Matisse. D'ailleurs, c'est à un dessin de Matisse, une ''Danse'' de 1948, que me fait songer cette composition si animée du Grand Plafond. »

Ce Grand Plafond, il faut être allongé sur le sol humide ou à défaut sur son lit pour mieux le voir. C'est là, dans cette position que la caverne devient ou plutôt redevient un ciel, « une nuit éternelle qui est aussi un autre jour, ce pourquoi ici comme à Lascaux, comme à Altamira ou à Rouffignac, des rondes divines de bisons, d'aurochs ou de mammouths continuent de tournoyer au-dessus de nos têtes, animaux planétaires ou galactiques peuplant des plafonds taillés dans le roc qui sont les parfaites répliques de ce que l'on nomme si justement ''voûte céleste''. »

Cet extrait ne fait pas seulement écho au titre du livre, il éclaire aussi le parcours de Jean-Jacques Salgon qui a gardé son âme de Miston, son talent d'inventeur pour découvrir et nous faire découvrir cette parade sauvage dont il a seul la clef. Avec Rimbaud et quelques autres comme Basquiat, Viallat, ou Courbet (lors de sa visite à la grotte Chauvet, quand il s'est trouvé face au Grand Panneau des Lions, il a immédiatement songé au tableau Un enterrement à Ornans : il dit ici pourquoi), ou encore Judit Reigl, (dont la « dernière toile notable », datant de 2010, reprend quelques motifs de ce que l'on a coutume d'appeler la scène du puits de Lascaux  : elle est présente dans le dernier texte, Dead Bird).

 

 

Des graffs dans la nuit, Jean-Jacques Salgon, arléa, La rencontre, avril 2021.

Des graffs dans la nuit
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