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5 mai 2023 5 05 /05 /mai /2023 09:10

Un titre qui fait écho à L'Élargissement du poème, de Jean-Christophe BAILLY (le premier dans les Dettes qui figurent à la fin de ce beau livre de Jean Prod'hom où il est également question d'agrandir, et de libérer, où l'indice et l'écho, le ricochet, la connexion, la résonance et l'évasion sont aussi les mots clés de l'élargissement à quoi, et dans quoi il s'est engagé. Pour sortir de l'enfance, pour échapper au désarroi. Il a fallu tourner le dos à la réalité avec laquelle on faisait corps, venir au monde, savoir qu'il existe un autre monde aux pouvoirs exorbitants, un monde-langue.

« C'est elle en effet, la langue, qui appelle l'enfant du fond de la nuit ; c'est elle qu'il habitera toujours plus familièrement et qui l'affranchira chemin faisant de l'immédiat, qui lui permettra de le représenter, de le mesurer et d'agir sur lui. Mais c'est elle aussi -et l'enfant l'ignore- qui creusera dans son dos un abîme toujours plus infranchissable entre les choses et lui, les choses et nous, qui fera dire à Fernand Deligny :

Le langage mène à tout

D'aucuns n'en reviennent jamais. »

Ils n'en reviennent jamais mais ils y reviennent sans cesse. Ils refont le chemin. S'ils y croisent l'enfant qu'ils ont été, ils ne sont pas certains de le reconnaître. Ou ils feignent de l'ignorer. Ils se retrouvent déboussolés. Heureusement déboussolés. C'est aussi cela, l'élargissement. Le détenu libéré. Une liberté dont on ne sait pas quoi faire, au début, et qui effraie. Qu'est-ce qui effraie ? La mort ? La vie plutôt.

Il y eut les dimanches. « Les communautés darbystes n'étaient pas en odeur de sainteté entre 1960 et 1970 », et quand l'espace alloué à votre pied ne le contient plus, l'ennui a gagné et vous quittez sans hâte ni regret le local. Vous prenez le large.

Pourtant il reste quelque chose de cette Assemblée, un miracle et il se répète dès que vous fermez les yeux. La fenêtre s'ouvre. C'est l'appel du dehors. Le ciel et la terre qui déboulent comme aux premiers jours. La foi intacte. Toujours plus vive.

Il reste le vieux berger de Bourdeaux (il règne désormais sur un rayon de la bibliothèque), le concierge du local et les vachers du réfectoire, le cortège de ceux qui, ne possédant rien, n'ont rien à perdre.

Ils n'ouvrent pas seulement la fenêtre, ils ouvrent aussi la route. Ils vous emmènent loin. De vous-même et de vos gouffres.

 

 

Jean Prod'hom, Élargir les seuils, Petite Bibliothèque de Spiritualité, LABOR ET FIDES, mars 2023.

 

 

 

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