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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 09:20
En l'Isle d'Odes

L'Isle d'Odes apparaît au chapitre XXV du Cinquiesme et dernier Livre. Des faicts et dits héroïques du bon Pantagruel. Le cycle est terminé. Et c'est là que tout commence.

Hier soir nous descendîmes, Rabelais et moi, en l'Isle d'Odes. Je me disais naïvement que ce serait une belle escale, avant de plonger dans le sommeil. De reprendre la navigation. Car c'est l'île des chemins. Des chemins qui cheminent. Une promesse de voyage pour celui qui aborde la nuit avec appréhension. Mais aussi, parfois, espoir. L'espoir de se retrouver, non pas échoué sur la grève, mais abordant une île où il y a tant à découvrir : tant de chemins.

L'abordant par son nom.

Rabelais -s'il a bien rédigé et composé ces brouillons- nous envoie-t-il une carte postale (avant la lettre)? Un souvenir de Rhodes et du Dodécanèse (où il n'est pas allé)?

A-t-il voyagé dans le grec ancien ?

Oui, comme tout « sçavant », il s'est baladé dans le dictionnaire. Rencontrant par hasard ὁδός (hodós), il estima que ce mot qui désigne la voie, la route, lui indiquait le chemin. Que cela ferait un beau nom pour son île. L'île des chemins. L'Isle d'Odes était née. Et ce nom, autre miracle, sonne vrai. Aussi vrai que Rhodes est l'île des roses (des biches et des papillons).

De cette île, normalement, nous sortons. À la fin du chapitre. Nous en sommes chassés. Comme chaque matin quand nous nous réveillons. L'escale est finie. Place à l'exode.

L'Isle d'Odes se présente à nous deux jours après l'escale de l'île de la Quinte Essence. Elle s'offre à notre vue. C'est un lieu que l'on voit arriver de loin, mais rien ne justifie sa présence. Elle n'est pas sur la carte, et il n'y a personne pour nous accueillir quand nous débarquons. Les seuls habitants de cette île sont les chemins. Ces chemins animaux. De ces chemins qui bougent, il n'y a rien à attendre. Pas la moindre explication. Voici donc une chose mémorable. Une merveille dont nous ne garderons aucune trace. Que ces chemins dont elle est peuplée et qui continueront en nous.

Pourtant, quand elle surgit, on se demande. Dans quelle navigation on l'a rencontrée. Ce qui l'a réveillée. S'est-elle créée pendant notre sommeil ? Ce ne serait pas la première île née de l'accumulation d'un énorme volume de cendres et de roches, lors de l'éruption d'un volcan sous-marin.

Cette île, il faut la nommer pour qu'elle existe, l'enraciner dans un nom pour qu'elle ne disparaisse pas sous nos yeux. Il faut qu'elle continue à vivre loin de nos regards. Et que nous n'emportions pas ce regret avec nous.

Mais nous sommes là dans un bateau. Nous voyons « les arbres prochains se mouvoir », quand c'est « nous par le decours du batteau ».

Cette confusion nous ouvre les yeux. Nous ne sortirons pas autrement de l'illusion que le sentiment de départ va durer.

 

En l'Isle d'Odes
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