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5 mai 2024 7 05 /05 /mai /2024 07:00
MON PREMIER LAROUSSE en couleurs

«  Sais-tu trouver les devinettes de ton journal illustré ? Moi, je ne trouve pas toujours la réponse. »

« Tiens ! Voici une devinette. »

 

Ainsi parlait MON PREMIER LAROUSSE en couleurs. Et c'est forcément à moi qu'il parlait.

 

Il parlait avec des mots, et au moyen d'images. Des images qui en préciseraient le sens, si nécessaire, qui l'éclaireraient.

 

Je me vois enfant, voyageant dans les mots du dictionnaire, m'arrêtant à chaque image, rêvant devant elle. Devant ce rébus qui était, quoi qu'en pense Walter Benjamin, quoi qu'en dise l'étymologie, un rêve avant d'être une chose. Et quel rêve !

 

Un rêve qui dit la vérité. Comme toujours le rêve. Encore faut-il le faire parler. Ici, c'est chose facile. Il suffit d'écouter les images. La traduction vient toute seule. Les mots arrivent sans qu'on ait à les chercher.

 

Je l'ai maintes fois parcouru. De la première à la dernière lettre de l'alphabet. Du premier mot de ce dictionnaire au dernier. Du premier qui était a au dernier qui était zoo. Grand-père ne nous a pas conduits au zoo (il n'a pas de voiture, il ne possède qu'un vieux vélo), les animaux sauvages, je les vois seulement en images, dans les images que je collectionne ou dans l'album qu'on m'a offert à ma naissance. Cadeau d'un imagier de ma ville. De la « Cité des images » comme dit mon père dans ses articles. Où il relate les matches du SAS (du Stade Athlétique Spinalien).

 

MON PREMIER LAROUSSE en couleurs a raison, j'ai un album d'images ; c'est un livre que j'aime à regarder. Assis dans l'herbe, comme sur la couverture. En bas du pré. En haut, on aperçoit notre maison, une ferme vosgienne en moins trapu, en plus petit, dans un paysage de montagne, de moyenne montagne où je suis parfaitement installé. Plongé dans mon album d'images d'Épinal. Je mange une tartine de confiture. De gelée de groseille ou de framboise dont le petit chien, à mes pieds et au premier plan, lèche le pot, l'oeil gourmand.

 

Il a raison quand il dit :

« Dans mon dictionnaire, j'apprends ce que les mots veulent dire. » Ce qu'ils veulent bien me dire, corrigerais-je aujourd'hui. Et je ferais parler les images. Du moins j'écouterais ce qu'elles ont à me raconter.

Il a à moitié raison.

 

Comme MON PREMIER LAROUSSE en couleurs quand il évoque mon oncle Émile et ma tante Marie.

J'ai bien un oncle Émile, un oncle Émile qui a un chien (nommé Fous-le-camp, et qu'il s'amuse à appeler, « Fous-le camp viens là ! » « Viens ici Fous-le-camp ! », ça ne fait rire que lui). Mais mon oncle Émile n'est pas le frère de Maman.

Ma tante se prénomme bien Marie, mais elle n'a jamais acheté de boîte de gâteaux : elle les fait elle-même. Comme elle fait son kéfir, ses klösse (qui accompagneront le civet de lapin), son jardin (où il y a du muguet rose et du lilas double, mais aussi des glaïeuls, des zinnias pour fleurir la tombe), les moissons. Comme une vraie paysanne bavaroise (qu'elle est).

 

Les images disent la vérité, mais une fois sur deux. S'il leur arrive de mentir, c'est pour la bonne cause. Un beau mensonge qui ne nous apprend pas moins à lire. À cueillir.

 

La cueillette, je la pratiquais alors dans nos bois. Où nous allions avec mon grand-père. « Tous les deux comme trois frères ». Dans ces grandes forêts, il y avait tant à cueillir. Des premières anémones sorties violacées de l'hiver aux derniers champignons qui étaient des souchettes.

 

Et je la retrouvais ici, dans ce dictionnaire. Dans ces mots qui fascinaient Michaux car ils n'appartenaient pas à des phrases. Ils offraient d'autres liens, d'autres familles que celle qu'on vous impose.

 

Je retrouvais dans MON PREMIER LAROUSSE en couleurs le plaisir de la cueillette. Je découvrais aussi, en même temps, celui de lire. D'écrire.

 

Je lis toujours comme cela. Comme on feuillette le dictionnaire. Je vais cueillant des mots, je m'arrête à chaque page. Fatiguée de m'attendre, l'histoire continue sans moi. C'est toujours ainsi que j'écris.

 

L'événement, s'il doit advenir, ce ne sera pas en ma présence. Je suis trop occupé ailleurs pour m'intéresser au roman qui s'écrit.

MON PREMIER LAROUSSE en couleurs
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