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19 décembre 2019 4 19 /12 /décembre /2019 08:46

C'est la fortune quand elle tourne,

quand les avaries conduisent au naufrage

et que les pains de cocaïne échouent.

Brillante,

Diamante,

c'est écrit sur les paquets que la tempête dépose sur les plages,

voilà pourquoi elles sont interdites.

Pour que le malheur des uns ne fasse pas le bonheur des autres.

Et vice versa.

 

Mais le destin s'accomplit,

quoi qu'on fasse,

inutile de chercher

où exercer,

sur quoi,

son droit.

Ce droit de bris

qu'on dit aussi d'épave

ou de lagan.

Ou encore de varech.

Il donne la propriété des nouvelles du monde

à celui qui,

comme chaque matin,

comme un vulgaire retraité,

feuillette son journal.

 

Un journal en appelant,

en rappelant un autre,

celui de Fromentin,

si je n'ai pas rêvé,

offre pareille aubaine

avec toutes ces oranges flottant au large

de l'île de Ré.

Un navire avait perdu sa cargaison

et cela ne faisait pas seulement le bonheur des enfants,

le peintre aussi se régalait.

 

Fromentin se régalait.

 

Quel tableau c'était !

Quel tableau ce serait si le peintre

voulait bien se remettre à peindre,

si sa main n'était pas ce jour-là

occupée à écrire ses

Notes sur l'île de Ré,

un livre que j'ai acheté puis perdu,

comme le bateau sa cargaison,

mais je n'ai pas oublié les oranges,

la preuve ce poème.

 

Et ne me demandez pas d'où elles viennent,

de quelle Algérie,

si c'est un rêve,

le rêve du peintre qu'il est aussi,

Fromentin,

si le désir qu'il note

n'est pas déjà nostalgie

de l'Orient

ou du Sahara,

peu importe,

ce qui compte ici,

c'est qu'elles flottent,

c'est le tableau qu'elles font,

ces oranges,

qu'elles feraient

s'il voulait bien

s'arrêter d'écrire.

 

Cette cargaison d'oranges

flottant au large,

il y aurait

de quoi l'inspirer.

 

De quoi faire provision d'exotisme,

si des paysages de l'Aunis,

de l'absence de paysage

il était las.

 

S'il éprouvait tout à coup

le besoin de chercher derrière

« le tapis fauve des vignobles »,

de regarder au-delà.

 

S'il fallait ajouter au « ciel égyptien »,

à « la surface métallique et comme solide de la mer,

irisée de rose »

une autre couleur.

 

Si la grande étendue d'un noir violet,

les parties de sable jaunâtre ne suffisaient plus,

s'il fallait prendre

de nouveaux poissons aux écluses.

 

Elles auraient leur place,

ces oranges,

il les rangerait dans les choses vues.

 

Il trouverait de quoi

peindre une marine,

même si du navire

il n'y a plus trace,

que cette cargaison perdue,

pas perdue pour tout le monde.

 

Que ces oranges dont il s'est délesté

pour continuer sa route

le cœur plus léger,

surtout s'il songe au cadeau

que ce sera

pour les enfants

et pour leurs parents,

ils auront là de quoi garnir,

à peu de frais,

les petits souliers

au pied de la cheminée.

 

Chez moi,

dans mes images d'Épinal,

c'est saint Nicolas,

c'est lui qui apporte des oranges

aux enfants sages.

Les autres reçoivent un martinet.

 

Chez lui,

en Aunis

et dans ses îles,

c'est la lumière.

 

Sahara ou Sahel,

c'est la même.

C'est l'autre,

pour une fois sans la brume.

 

Pour la saisir,

il faudrait qu'il cesse d'écrire,

de se demander

s'il est un voyageur qui peint

ou un peintre qui voyage.

Qu'il peigne.

 

Il faudrait que j'oublie

de me demander

si c'est la trace d'un rêve,

de quel rêve,

ou persistance rétinienne.

 

Amas de coraux

qu'il prendrait d'abord pour des oranges,

s'il voyageait en Égypte,

si ce n'était pas d'abord une île

où poser sa plume,

peindre sur le motif,

une île qui n'a pas à subir l'arrivée massive

d'algues vertes malodorantes

et potentiellement toxiques en été,

pas encore.

 

Il n'y a que le sart

comme on dit

le varech,

il échoue régulièrement

et on le récolte,

et Fromentin aussi, il note

comment dans cette île

on va au sart,

comment on s'en sert

pour fumer les vignes.

 

Il y a des oranges,

mais ça n'arrive qu'une fois

et il faut être là.

 

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commentaires

P
Ces oranges ont un léger goût salé qui leur va bien.
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