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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 06:45

 

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On serait en poésie, dans un alexandrin, elles feraient un bel hémistiche.

Dans la boîte où elles sont rangées, l'élégante petite boîte en carton dur où l'on s'attendrait à trouver une montre de luxe, un bijou, c'est un autre cadeau et qui ne régale pas seulement les yeux.

C'est l'enfant Jésus dans sa crèche, dans son lit de papier ou plutôt, Bernard Ricolleau étant d'abord chocolatier-confiseur à Châtellerault, un miracle comme celui des truffes à Noël.

Il ajoute à ce divin tableau une touche de sucre glace, à cette nativité une note païenne, rappelant au passage que la crèche est à l'origine une auge, une mangeoire pour les animaux, et que c'est dans ce berceau que Jésus a été placé.

C'est sur ce berceau qu'elle se penche. La Fée Mélusine. Bernard Ricolleau ou sa femme Nadine. Elle vous propose dans son magasin, dans son écrin, cette spécialité à base d'amandes, de sucre, d'écorce d'orange et de chocolat.

Le caramel transforme tout ce qu'il touche en or. Magie de la cuisine et art du publicitaire vous rhabillant pour l'été, mesdames, de la tête aux pieds, des solaires en acétate aux boots en cuir en passant par le sautoir avec ses perles en bois, la robe en soie, le short en chèvre velours, l'ensemble en dentelle, l'huile divine pailletée, l'illuminateur pour le corps et autres accessoires et objets dans le ton comme les fameux Werther's Original qu'il vous invite, messieurs, si vous aussi vous voulez être tendance et si vous ne craignez pas pour votre bridge, à dévorer sans compter. Avec un plaisir d'autant plus grand, ajoutera-t-il un rien cynique, que vous avez toujours rêvé d'une dent à pivot.

Je ne saurais l'imiter quand il vous invite, messieurs, à regarder les femmes comme des bonbons. D'abord parce que les romanes poitevines ne se laissent pas facilement croquer. Ensuite parce qu'elles ont vite fait de métamorphoser celui qui tâte de cette spécialité, qui tente de la coucher sur le papier, en monstre. En un monstre stylophage.

Ce n'est pas, comme pourrait le croire un lecteur rapide, quelqu'un qu'on voit mâcher des heures son stylo, par ennui ou nervosité, ou les deux, mais un mange-pilier, un bouffe-colonne, un de ces gloutons qu'on rencontre à l'entrée des églises romanes, dans le Poitou, à Saint-Romans-lès-Melle par exemple, où ils tiennent le diable en respect avec leur regard qui tue et leurs petites dents à rayer les vitres, à les faire crisser, douloureusement: ils vous délivrent du mal en le maintenant à l'extérieur. Vous pouvez pénétrer dans l'église, communier l'âme propre.

Mais ils fascinent également, comme la Méduse dont ils sont un avatar, et vous pétrifient.

Disons, pour être exact, que ces romanes poitevines n'éloignent le Malin que pour mieux vous tenter. Vous inciter. À goûter aux plaisirs de la chère. Non à vous vautrer dans la fange, tel un pourceau du troupeau d'Épicure, tel le Cochon de saint Antoine, mais en plantant trois chênes mycorhizés dans votre jardin de Saint-Romans, dont un vert.

Pour ne point ressembler à l'engoulant de Périgné, à la Grand'Goule d' Echillais, à l'un de ces abandonnés, à la gourmandise éternelle condamnés, et qui ne peuvent plus manger!

 

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à paraître dans L'Actualité n° 95.

 


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commentaires

D
Et plaisir, redit ici, de cette rencontre à Nonac, de ces mots et de ces mets partagés.
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G
Quel régal de lire autrement ce qui n'était que de la littérature. C'est un peu plus depuis notre rencontre à Nonac, on va dire plus accessible, plus proche. Merci
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