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28 novembre 2021 7 28 /11 /novembre /2021 08:02

Le texte que j'écrivais, qui s'écrivait pendant que je dormais, tournait autour d'une idée confuse et néanmoins lancinante: mes rêves ne sont pas modernes ! C'est là-dessus que je me suis réveillé. Sur ce constat. Et c'est sûrement ce qui m'a réveillé. Ce regret. Ce désir aussi, sans doute lié à l'âge, de changer le décor.

De réduire nos déchets ? Notre empreinte carbone ? Oui.

D'alléger également la charge de travail. Pour ceux qui devront vider la maison. Les vieilles choses, ça n'intéresse plus. On trouve même ça sinistre. Les meubles, les livres, quand il y en a trop. On préfère les murs nus, les monochromes. Carré blanc sur fond blanc. Ou gris, très tendance.

Dans ce rêve dont je voyais la fin, dont je lisais la fin en même temps que je l'écrivais, je rêvais d'abstraction géométrique, de quitter les maisons encombrées et inhabitables de l'art brut, où je me suis un peu perdu ces derniers temps, pour un art que j'appellerai construit, comme on dit maintenant, comme il faut dire si l'on veut entrer dans l'Histoire de la Peinture, et y rester.

Formulée, et aussi clairement, l'idée aurait dû céder la place à d'autres, me laisser dormir encore un peu, or elle revenait. Et le texte continuait de s'écrire. On me réclamait des précisions, me demandait des comptes. Qu'est-ce que j'avais contre IKEA ? Contre leboncoin. Je n'avais pas envie de courir les vide-greniers, d'accord. Mais pourquoi en dégoûter les autres ?

Ce n'était pas l'idée, je ne crois pas, répondrais-je à celles qui attendaient. Si elles voulaient bien m'écouter. Me permettre de développer. Hélas, elles montraient des signes d'impatience. Elles commençaient à se bousculer. 

Je ne pourrais donc pas m'expliquer, montrer que si mes scrupules étaient d'ordre esthétique, ils m'honoraient quand même.

En effet, c'est parce que j'aime mes enfants et que je connais leurs goûts (qui sont de leur âge, de leur époque), que je veux changer la déco de mes rêves. Passer du joyeux bric-à-brac dans lequel ils s'étiolent à une formule plus minimaliste, plus contrainte où ils s'épanouiraient. Où ils évolueraient en toute liberté.

Je ne m'appesantirai pas sur ce paradoxe, les idées qui se pressent à la porte de ma conscience ne m'en laissent pas le loisir.

Je suis levé depuis une heure, et à mon bureau pour tenter d'y voir un peu mieux. Dans cette idée de changer le décor de mes rêves. Est-ce dans le but de changer le rêve lui-même ? D'en changer magiquement le contenu ? D'agir sur les choses, d'infléchir le cours des événements? Il y avait un peu tout ça, dans cette idée. Et de la naïveté.

Celle qui me pousse à lire, chaque soir avant de m'endormir, afin de m'endormir, une revue d'archéologie ou un dictionnaire de la langue gauloise.

Comme s'il suffisait d'installer le divan dans sa galerie d'antiques pour remonter loin dans le passé !

Comme si l'on pouvait agir à la source.

Là, quand j'émerge, le rêve touche à sa fin. C'est un rêve sans images, ou j'ai pris le film en route. Commencé par le making-of. Le moment où l'on découvre l'envers du décor. Où je réalise combien il est obsolète.

Ai-je vu, en ouvrant les yeux, la tapisserie de ma chambre ? Les tableaux, les livres qui l'encombrent ? Les meubles qui m'empêchent de passer ? Ai-je oublié d'éteindre le radiateur ? Machinalement fermé la porte ? Est-ce que j'étouffais ?

Ces questions me taraudent agréablement. M'offrent un bref répit, la cafetière ayant été détartrée la veille. Elle s'est déclenchée toute seule. Comme par enchantement. Je l'avais programmée à 7h, et il n'est que 5h. Me croyant réveillé, elle s'est mise en marche d'elle-même. Elle s'est dit que cela m'aiderait. Que la musique douce et acidulée du café stimulerait ma réflexion. Que je comprendrais enfin comment on peut changer un rêve en changeant le décor. Un rêve qui a presque fini de passer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la maison/atelier de Florence Marie, à Honfleur.

Dans la maison/atelier de Florence Marie, à Honfleur.

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