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8 février 2025 6 08 /02 /février /2025 10:23

On les appelle déjà « Muskovites ». Ceux qu'il a recrutés pour jouer un « rôle crucial » dans le Département pour l'efficacité gouvernementale (DOGE). Les six jeunes ingénieurs (complètement inexpérimentés) qui tiennent l'administration américaine, avec pour mission de tailler dans son budget et ses effectifs, et même de tronçonner.

Ce qu'ils ont commencé à faire en annonçant la fermeture de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), qui gère des milliards de dollars d’aide à travers le monde et qui est, selon Donald Trump, « dirigée par une bande de fous extrémistes ».

Et ce qu'ils continueront avec le ministère de l'Éducation qu'ils rêvent d'abolir.

J'ai voulu savoir à quoi ils ressemblaient, ces nerds devenus exécuteurs des basses oeuvres, et d'abord qui ils étaient.

J'ai demandé à mon petit doigt, mais ce dernier prend très au sérieux les menaces d'Elon Musk sur X (« N'embêtez pas trop le DOGE »), il ne m'a rien dit.

Alors j'ai donné ma langue au chat, à mon chatbot (mon agent conversationnel ne veut pas que je révèle son identité), et celui-ci m'en a donné les noms, et même les visages.

Et dans les six DOGE kids (au service du milliardaire pour prendre le contrôle de l'État américain) il y a Luke Farritor !

Previously, comme on dit dans les séries américaines, « rappel des épisodes précédents ». Luke Farritor est un des trois vainqueurs du Vesuvius Challenge.

Celui qui « le premier a sorti un mot grec de sa prison ».

Celui qui est parvenu à déchiffrer au moins quatre passages de texte, chacun de plus de 140 caractères.

Celui qui a « déverrouillé les secrets de la Rome antique».

Pour cet exploit il a remporté, avec ses co-winners, le Grand Prix (700,000 dollars). 

Et un an plus tard, alors qu'il a à peine 23 ans, il se retrouve avec cinq autres jeunes ingénieurs, tout aussi dévoués à leur mentor et dénués de scrupules, à la tête du DOGE ou « Département de l'efficacité gouvernementale ». Chargé de repérer l'idéologie woke (honnie de Trump et de Musk), de la traquer, de l'éliminer. Ou encore de couper dans le programme de lutte contre un changement climatique auquel ils ne croient pas.

Celui qui a déverrouillé les secrets de la Rome antique
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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 08:01

Sorti de la tête d'un poète -de Gabriele D'Annunzio si l'on en croit la légende-, sorti tout habillé, d'abord d'un complet-veston dans la bonne vingtaine de films muets dont il est le héros récurrent, puis de muscles, de ses seuls muscles quand, à l'instar d'Hercule, il nous donne à voir ses fatiche, ses travaux (il y en aura plus de douze!) dans des films scope-couleur, Maciste devient Maciste au tournant des années soixante.

C'est le formidable succès, en 1957, des Douze travaux d'Hercule, qui fait basculer sa carrière. On tourne Hercule sur Hercule, se disent les producteurs. Pourquoi ne pas ressusciter cette vieille gloire du cinéma muet? Il quittera son costume un peu élimé de détective et montrera comme Hercule ses muscles. Et comme lui incarnera le Bien.

On le verra ainsi, entre 1960 et 1964, jouer dans vingt-cinq films le rôle du redresseur de torts, à la force herculéenne.

Affrontant des hommes-taupes, esclaves des ténèbres, dans Maciste, l’homme le plus fort du monde (1961).

Bravant les forces militaires du redoutable empereur Kublai Khan pour venir au secours du peuple chinois, réduit en esclavage, dans Le Géant à la cour de Kublai Khan (1961).

Se battant sur tous les fronts pour sauver les humains dans Maciste contre le Cyclope (1961).

Tuant un monstre aquatique et vainqueur de l'Hydre à trois têtes dans Maciste contre les monstres (1962).

Dans Le Trésor des Tsars (1964), un colosse est retrouvé congelé par des archéologues russes. Ramené à la vie, l'homme le plus fort du monde refuse de servir le pouvoir autocratique de Nicolas, il prend le parti du peuple russe opprimé.

Il combat tour à tour, et parfois simultanément, Hercule, Samson, Zorro et, dans Maciste contre les hommes de pierre (1964), des extra-terrestres venus de la Lune.

On le retrouve dans une parodie de péplum avec Totò dans Totò contre Maciste (1962).

Dans Maciste contre la reine des Amazones, un film érotique sorti dans les salles françaises en 1974 sous le titre Les Amazones de la luxure.

Et, en 1975, dans Les Gloutonnes, également connu sous le titre Les Exploits érotiques de Maciste dans l'Atlantide.


 

Voilà pour les travaux d'Hercule. De cet Hercule du pauvre que les méchants voyaient en lui. Et qu'il fut. Et de plus en plus.

Et puis le vent a tourné. La fortune est arrivée, lui offrant une troisième vie, un nouveau personnage, celui de l'oligarque en proie à l'hybris. De « l'homme le plus riche du monde ». De l'être qui n'est qu'un corps. Constitué d'instincts et désirant accroître sa puissance.

Oubliés les nanars, les navets, Maciste enchaîne les succès. Il tourne film sur film. Un film par jour. Un jour c'est Maciste contre Thierry Breton. Contre Bruxelles. Le suivant c'est Maciste contre les idiots (Olaf Scholz, Keir Starmer). Contre le Tyran (Steinmeier). On ne l'arrête plus. On le voit partout. L'ancienne gloire du muet a son mot à dire sur tout.

Aujourd'hui, 25 janvier 2025, à deux jours des cérémonies du 80e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz, celui qui n'a pas fait un salut nazi est intervenu dans un meeting, via vidéo, pour soutenir une nouvelle fois l'AFD. Qui incarne selon lui «le meilleur espoir pour l’Allemagne». Dans une intervention décousue, mais sous les applaudissements nourris du public, il a loué la «nation allemande» qui remonte à «des milliers d’années». L’empereur romain Jules César avait déjà été «impressionné» par la volonté de combattre des tribus germaniques. Le gouvernement actuel «réprime agressivement la liberté d’expression», a-t-il encore affirmé. L’AFD doit donc «se battre, se battre, se battre», notamment pour «plus d’autodétermination pour l’Allemagne et pour les pays d’Europe et moins de Bruxelles».

Le 9 janvier, il s'était « entretenu » avec la cheffe de l'AFD, en direct sur son réseau social X. Interrogée sur les idées qu'elle défend, Alice Weidel avait profité de l'occasion pour tenter de dédiaboliser son parti et d'en promouvoir le libertarisme. Et bien sûr de se démarquer d'Hitler. Qui était tout sauf un conservateur.

« Sous le IIIe Reich, les national-socialistes, comme le dit leur nom, étaient socialistes, avait-elle osé. Hitler était communiste et se considérait comme socialiste. L’État a (sous Hitler) nationalisé l’industrie et relevé les impôts. »

 

Voilà comment Maciste devient, sous nos yeux, suprémaciste, comment le champion du droit et du Bien met sa force herculéenne au service du Mal : du racisme le plus décomplexé.

En soutenant l'AFD en Allemagne et l'UKIP au Royaume-Uni, en s'appuyant sur Viktor Orban et surtout Giorgia Meloni pour déstabiliser l'Europe.

Giorgia Meloni, une amie, invitée à rencontrer Trump à Mar-a Lago.

Lequel déclare : « Je suis ici avec une femme fantastique, la Première ministre d’Italie. Elle a conquis l’Europe ».

Giorgia Meloni s'apprête à signer un contrat avec Starlink. Une démarche qui viole le principe de coopération loyale avec les autres pays membres associés au projet IRIS2. Et qui représente un risque majeur pour la sécurité intérieure de l'Italie et de l'Union Européeenne, car Starlink vehiculera aussi les communications classifiées entre services secrets civil et militaire. 

Mais c'est si peu important. Moins important en tout cas que les 3 millions de dollars alloués par la Fondation Musk pour financer des recherches sur la Rome antique. Avec deux grands domaines d’intervention : l’un consacré à la conservation du patrimoine archéologique romain, l’autre axé sur le déchiffrage des papyrus d'Herculanum, des 1838 rouleaux carbonisés par l'éruption du Vésuve en 79 après Jésus-Christ, et que l'on a commencé à lire.

Grâce à un trio de chercheurs (dont Luke Farritor, étudiant en stage chez SpaceX), grâce à la tomographie à rayons X et à l'Intelligence Artificielle, est apparu le mot πορφύραc (porphyras), « pourpre » en grec ancien. C'est le premier mot lu sur un rouleau d'Herculanum non ouvert. Sans que le papyrus soit déroulé physiquement.

Mais les vainqueurs du Vesuvius Challenge ont aussi révélé plusieurs passages presque complets du texte ancien.

Un texte de Philodème de Gadara, peut-être écrit de sa main.

Philodème de Gadara -aujourd'hui Umm Qays, en Jordanie-, passé par Athènes et venu professer la philosophie d'Épicure en Campanie. Où il installe son « jardin », et sa bibliothèque. Dans une somptueuse villa, proche d'Herculanum, propriété de Pison -Lucius Calpurnius Piso Caesoninus-, homme politique romain du Ier siècle av. J.-C., dernier beau-père de Jules César et protecteur de Philodème.

En mars prochain, une sélection de papyrus sera amenée à Oxford pour des numérisations haute résolution à l’aide d’un accélérateur de particules, une technique innovante qui permettra d’obtenir des images détaillées sans endommager les textes. Les données seront ensuite traitées aux États-Unis où un autre mécène, autrement plus riche que Pison, trouvera, si d'aventure il les lit, matière à réflexion. Sur l'utilité dans l'amitié. Sur l'usage qu'on peut faire de son argent. Où il pourra aborder les questions qu'on se posait dans cette somptueuse villa, sur le Belvédère en regardant les bateaux qui continuaient vers la Corse, la Sardaigne, en songeant au naufrage, demander à Philodème de Gadara si la richesse va vraiment avec la vertu. Ou si c'est, comme le bateau d'Ulysse, un rêve qui passe. Qui est passé.

L'homme le plus riche du monde
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25 janvier 2025 6 25 /01 /janvier /2025 08:28

La guerre des deux n'aura pas lieu. Le combat entre Musk et Zuck qui a tant fait parler (c'était le but), qui devait être retransmis (en direct) sur X et sur les réseaux sociaux du groupe Meta, est oublié. Oubliée la cage de MMA. Oublié le Colisée. Pour le « lieu épique », on repassera.

On veut croire que Giorgia Meloni n'a pas fait le voyage pour ça. Pour s'entendre demander le droit d'organiser « une sorte de péplum en Italie ». Leur complicité est plus ancienne. Leurs affinités sont plus profondes. Entre la néo-fasciste et le gladiateur d'extrême droite, « c'est du sérieux ». On est bien au-delà de la tocade. De la romance. Ou, si c'en est une, c'est Muskloni, un baiser généré par l'IA et devenu vidéo virale. Un fake comme on les adore chez X, et comme on les propage. Et qui sonnera toujours moins faux que la toute nouvelle idylle entre les adversaires d'hier. Entre celui qui n'en finit pas de montrer ses muscles, et celui qu'il traitait il n'y a pas si longtemps de chicken : « mauviette ». Elon et Giorgia, c'est une histoire d'hommes. De mecs qui en ont. Dans le slip ou dans le soutif.

Des grosses, comme celles que montre la Meloni quand elle joue avec son nom. Dans cette vidéo postée sur TikTok où elle nous fait voir ses seins. Qui sont comme vos couilles (dit-elle à ses « Frères d'Italie » avec ce qu'elle tient dans ses mains), de vrais « melons » (meloni en italien).

Ces deux couillus devaient forcément se rencontrer. Et ils sont faits pour s'entendre. Ils ont l'un et l'autre le melon. Et ils regardent dans la même direction. Celle qu'indique Elon Musk, avec son salut bras tendu.

Mais ne leur parlez pas d'Hitler. « Tout le monde est Hitler », se défend le milliardaire qui dénonce un « coup tordu ». Ceux qui l'attaquent doivent se rendre à l'évidence : l'hégémonie culturelle de la gauche, c'est fini, la gauche a perdu la bataille des idées.

C'est vrai aux États-Unis où Joe Bidon s'est retrouvé K.O. avant même de combattre. Mais la guerre contre « l'état profond » ne fait que commencer. Contre le wokisme. Et contre les migrants que Trump qualifie d' « animaux ». Ceux-là (qui viennent manger nos chiens et nos chats), il faut bien sûr les expulser.

Les « recracher », dirait Poutine avec son moucheron. Comme tout ce qui n'est pas nous. Et que nous avons avalé par accident.

C'est vrai aussi au pays de Gramsci. Regardez Le Temps du futurisme, l'exposition que l'on peut voir, jusqu'au 28 février 2025, à la Galerie nationale d'art moderne de Rome (Gnam). Dans cette exposition « conçue en Italie, par des Italiens », il y a un grand absent : le fascisme. La violence qui fascinait les artistes se réclamant de ce mouvement a disparu. Comme par enchantement.

Cette exposition qui célèbre le 80e anniversaire de la mort de Filippo Tommaso Marinetti (lequel voyait la guerre comme une œuvre d'art) occulte la dimension guerrière et nationaliste du futurisme et ne retient que la vitesse, la technologie, le progrès : « le lien entre ce courant artistique et l'innovation des sciences de l'époque ».

Qui est d'abord, on l'a compris, celle de Meloni. Dont on connaît la technophilie. Et l'empressement à défendre, quand il est injustement attaqué, le « génie » Elon Musk.

Ce salut qui n'est pas nazi se retrouve pourtant sur la page Wikipédia d'Elon Musk. Ce que n'apprécie pas du tout le patron de Tesla et SpaceX qui veut en découdre avec Jimmy Wales, cofondateur avec Larry Sanger de la célèbre encyclopédie en ligne, collaborative et libre.

Ces deux-là ne partiront pas en vacances ensemble, mais ils se retrouveront. Au Colisée ou « dans une sorte de péplum en Italie ».

Meloni lui doit bien ça.

Un nouveau Maciste. Suprémaciste (blanc).

Ce super héros a pris un peu de bide, mais il a (faut-il le rappeler?) vaincu les géants, les monstres, les hommes de pierre, le Cyclope, le Vampire : il ne craint pas la surenchère de virilisme et d'hémoglobine. C'est un futuriste avant la lettre. Et après. Qui saura lutter (efficacement, dira Musklor) contre les migrants, le wokisme, l'état profond.

En attendant, Giorgia Meloni est en passe de signer un contrat de cybersécurité à plus d'un milliard d'euros avec SpaceX.


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23 janvier 2025 4 23 /01 /janvier /2025 07:39

Dans le rôle du jaloux, je verrais bien NVIDIA. Un pionnier du calcul accéléré. Qui bat aujourd'hui, dans le domaine de l'intelligence artificielle, des records de vitesse.

NVIDIA, je me dis, c'est écrit dans son nom.

On voit bien d'où il vient, de quel mot latin. Invidia : « l'envie » ; « la jalousie ».

La jalousie, m'explique-t-on chez NVIDIA, c'est d'abord celle que nous suscitons. Oui, nous faisons des envieux. Inutile d'en rajouter. Notre logo est suffisamment parlant, qui rendra vert plus d'un concurrent, et chassera, nous l'espérons, le mauvais œil.

La concurrence est là. C'est là qu'il faut chercher « l'envie » ; « la jalousie ». Chez Elon Musk. Ou plutôt Kekius Maximus. C'est son nom de gladiateur. Qu'il descende dans l'arène ou qu'il monte sur le ring, c'est celui qu'il portera. Dans ses combats. De MMA. Le prochain l'opposera à OpenAI. Mais il a déjà commencé. Avec la création de xAI. Et quand il dévoile, peu de temps après, le premier produit de la start-up : l’IA générative Grok, qu’il souhaite positionner devant ChatGPT.

Le MMA vient du free fight, un sport brutal où, à l'origine -au Brésil, dans les années 20- tout était permis :  coups de poing, coups de pied, projections, frappes au sol et soumission. Heureusement -malheureusement, diront une fois de plus les libertariens- les combats ne sont plus aussi libres qu'avant. Il existe aujourd'hui plus d'une trentaine d'interdictions qui peuvent valoir des points en moins et/ou une disqualification : les combattants n'ont pas le droit de tirer les cheveux, de mordre, de pincer, de cracher, de mettre les doigts dans la bouche, le nez, les oreilles, les yeux de l'adversaire -de chercher à les crever-, de porter des coups à la nuque, à la gorge, à la colonne vertébrale, aux reins, aux articulations, aux genoux et aux parties génitales.

Des règles que le tout frais ministre de l'efficacité gouvernementale rêve sans doute d'abolir.

Comme l'a fait, à peine élu, son Président. Avec le décret exécutif de 2023 qui visait à encadrer les modèles d'IA. Qu'il s'est empressé d'abroger, détricotant méthodiquement -ostensiblement- tout ce qu'a signé Biden.

Kekius Maximus ne peut qu'approuver, qui voit là de nouvelles opportunités. De nouveaux combats. Où tout serait enfin permis.

Il triomphe moins quand ledit Président, le lendemain de son investiture, annonce son méga projet, baptisé « Stargate », comprenant des investissements d' « au moins 500 milliards de dollars » aux États-Unis. Pour lequel s'allient les géants de la tech, Oracle et Softbank. Et OpenAI, son principal adversaire.

En août 2023, son adversaire s'appelait Mark Zuckerberg. C'est lui qu'il voulait affronter au Colisée, rien que ça. Qu'il provoquait. Avec cette question qui rappelle la blague grivoise de la scénariste et sex-symbol Mae West (Is that a gun in your pocket, or are you just pleased to see me?), mais elle est (soi-disant) de Jules César. Et en latin :

Estne volumen in toga, an solum tibi libet me videre ? « Là, dans ta toge, c'est un rouleau ou t'es juste content de me voir ? »

Volumen : « rouleau ». Scroll en anglais. Un livre enroulé. Un livre qu'on ne feuillette pas, pas encore, mais que l'on fait déjà défiler vers le bas. Que l'on scrolle. Littéralement.

Zuckerberg ayant fait allégeance à Trump, son unique adversaire, le seul qui soit digne de Kekius Maximus, maintenant, c'est OpenAI. C'est ChatGPT qu'il veut battre avec l’IA générative Grok.

Pour parvenir à ses fins, il lui faut encore plus de puissance de calcul, sécuriser un approvisionnement constant de GPUs H100. Le GPU H100 est la puce la plus puissante du marché, conçue spécifiquement pour les applications d'intelligence artificielle. Le H100 compte 80 milliards de transistors (des composants électroniques essentiels au fonctionnement d'une puce), soit 6 fois plus que son prédécesseur, la puce A100. Cela lui permet de traiter de grandes quantités de données beaucoup plus rapidement que les autres GPU.

Mais cela ne va pas assez vite pour Kekius Maximus. C'est pourquoi il met la pression sur les chaînes d'approvisionnement afin qu'elles répondent dans les meilleurs délais aux demandes massives (à commencer par les siennes) de GPUs H100, les puces de NVIDIA les plus utilisées (pour les datacenters, les supercalculateurs, etc.). Dans ce match qui sera forcément sanglant, tous les coups sont permis.

Maximus VS Commode : voici l'affiche. Des deux, qui l'emportera ? L'histoire le dira. Ou Gladiator 3. Ridley Scott est prêt, et Paul Mescal qui joue Lucius, le fils de Maximus dans le deuxième volet, est très enthousiaste à l'idée d'un troisième opus.

Maciste contre le Cyclope. Réalisé en 1961 par Antonio LEONVIOLA.

Maciste contre le Cyclope. Réalisé en 1961 par Antonio LEONVIOLA.

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21 janvier 2025 2 21 /01 /janvier /2025 09:12

Pourquoi Elon Musk est-il obsédé par le latin ?

C'est la question que se pose Le Point. Le 16 janvier 2025.

Christophe Ono-dit-Bio constate, dans sa Minute antique, qu'il s'est rebaptisé sur X Kekius Maximus. Qu'il multiplie les tweets dans la langue de Virgile : Per aspera ad astra (« Vers les étoiles à travers les difficultés »), Vox populi vox dei  (« La voix du peuple est la voix de Dieu »), Dulce est desipere in loco (« Il est bon quelquefois d'oublier la sagesse »), ou encore, avec un jeu de mots sur X, Deus X machina (pour dire l'intervention imprévue d'un dieu).

La suite étant réservée aux abonnés, je n'ai pas la réponse à la question que Le Point a posée.

Mais j'ai ma petite idée.

Pour commencer, il y a la référence à Gladiator, le film de Ridley Scott. Son pseudo sur X vient évidemment de là, du rôle qu'interprète Russell Crowe, de Maximus : un général romain,  le plus fidèle soutien de l'empereur Marc Aurèle, qu'il a conduit de victoire en victoire. Comme il a fait, lui, avec Donald Trump. Jusqu'à sa réélection et après.

Après, il est possible que son ascension fulgurante, que son triomphe de moins en moins modeste, que la place qu'il occupe dans la campagne et dans le cœur de Donald Trump suscite des vocations.

Qui sera le jaloux dans la vraie vie ? Qui jouera le rôle du fils de Marc Aurèle? Quel Commode s'arrogera brutalement le pouvoir ? Qui ordonnera l'arrestation du Kéké Maximus et son exécution ? L'histoire le dira.

Pour lors, la seule arène qu'il connaisse, c'est celle où descend Donald Trump à chacun de ses meetings. Celle où il retourne en vainqueur, le 20 janvier 2025, et où son fidèle soutien adresse à la foule réunie pour acclamer l'imperator un salut romain. C'est-à-dire fasciste.

Et l'unique vengeance à laquelle il pense, à laquelle il travaille, c'est celle de Donald Trump. Plus vindicatif que jamais. La vendetta dans laquelle il est engagé, du moment qu'il n'en fait pas les frais, ne lui pose pas de problème. Au contraire. Elle donne au gladiateur l'occasion de montrer ses talents. Et d'étaler son latin.

Qui redevient grâce à lui la langue de l'Empire. Et des impérialismes.

Kéké Maximus
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18 janvier 2025 6 18 /01 /janvier /2025 13:47
Le gazouillis des éléphants

C'est sous ce titre que paraît, en 2017, le livre de Bruno Montpied. (1)

Un beau livre qui se présente comme une « tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage. »

Ce titre apparaissait mystérieux. Et il l'est resté. Du moins pour ceux qui ne s'intéressent pas aux «  sites, environnements ou petits '' musées '' créés en plein air par des autodidactes, non professionnels de l'art quoique inventifs, appelés précédemment par certains auteurs '' inspirés du bord des routes '', '' habitants-paysagistes '', voire '' bâtisseurs de l'imaginaire ''. »

Un titre qui résonne singulièrement aujourd'hui où beaucoup envisagent de quitter Twitter pour Mastodon. Pour cesser d'enrichir Elon Musk en twittant et se faire, enfin, pouet-pouet entre poètes.

Bon, je remballe mon humour (pouet pouet) et je me demande (sérieusement) si le mot tweet, entré en 2010 dans le dictionnaire, ne va pas bientôt en sortir. S'il ne faut pas déjà ajouter la mention « vieux » ou « vieilli ». Comme fait le Larousse avec Minitel.

Ce qui ne risque pas d'arriver à gazouillis. Qui ne l'a jamais vraiment remplacé, même au Canada. Où l'on n'a pas l'impression que Donald Trump gazouille quand il met en ligne ses gazouillis furibonds au petit matin.

Où demain on pouétera. Comme partout. On partagera des messages, images et autres contenus. On repoussera la limite (sur la quantité de texte pour un post), on ira jusqu'à 500 caractères (contre 280 sur Twitter).

Et on repouétera. Comme hier on repostait ou retweetait.

 

 

(1) Édition revue et mise à jour Collection Albums Beaux Livres - Hoëbeke

Hoëbeke Gallimard Parution 31-10-2024.

 


 

Le gazouillis des éléphants
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12 janvier 2025 7 12 /01 /janvier /2025 08:52

« Les sciences de la nature et de la terre se révèlent avec grâce et charme aux yeux du promeneur attentif, qui bien entendu ne doit pas se promener les yeux baissés, mais les yeux grands ouverts et le regard limpide, si du moins il désire que se manifeste à lui la belle signification, la grande et noble idée de la promenade. »

Robert Walser : La promenade, L’imaginaire Gallimard, 2007, Trad. de l'allemand (Suisse) par Bernard Lortholary.

 

Cette épigraphe éclaire le titre, et le contenu du livre. Son esprit. Celui que Walter Benjamin retrouvait dans les personnages de Robert Walser  : « l’esprit pur et vif de la vie convalescente ». L'épicurisme que l'on rencontre chez ceux qui ont surmonté la maladie et qui souhaitent jouir d'eux-mêmes.

 

Ce titre n'est pas là pour nous égarer, nous lancer sur de fausses pistes. Il est bien question de promenade, dans ce livre. De ces promenades que Jean-Jacques Salgon effectuait déjà, dans son enfance, et qui le conduisent aujourd'hui à Nîmes & alentour. Des promenades qui sont des « échappées quotidiennes pourtant bien circonscrites dans l'espace et le temps ».

 

« Peu importe, la liberté, je l'ai appris depuis, n'est bien souvent qu'une trouée miraculeuse dans l'épaisseur compacte des contraintes et l'exaltation que l'on éprouve parfois à se sentir libre est toujours éphémère. »

 

Ce ne sont pas, bien que Jean-Jacques les évoque dans son livre, les rêveries d'un promeneur solitaire.

C'est la promenade, les « yeux grands ouverts et le regard limpide », d'un « promeneur attentif ». D'un flâneur, dirait Walter Benjamin. Qui a un but, qui s'y tient, et qui n'en est pas moins ouvert à la rencontre.

Contrairement aux Surréalistes qui pratiquaient la déambulation sans but, Jean-Jacques Salgon a un objectif. Remonter à la source, aux Sources du Nil, ou comme ici « aux sources d'Eure, sources qui sont peut-être aussi les sources du Temps. »

Aller des vestiges du Castellum divisorium ou Castellum aquae, point d'arrivée de l'aqueduc de Nîmes, jusqu'à « l'ancienne prise d'eau qui se situait tout près d'Uzès, dans la vallée de l'Alzon », c'est là le projet du livre. Le trajet qu'accomplit Jean-Jacques Salgon. Le rêve aussi qu'il poursuit: de « plonger et nager dans les eaux bienfaisantes des sources d'Eure, venues depuis Uzès en passant par l'aqueduc du Pont du Gard, pour alimenter ces bains. »

C'est d'abord un défi qu'il se lance, une contrainte et qui doit libérer ; et pas seulement l'inspiration. La promenade est aussi bienfaisante que les eaux que l'on venait prendre autrefois à Nîmes. À condition que le promeneur garde les yeux ouverts. Qu'il reste attentif à L'infra-ordinaire, comme dirait Georges Perec. Qu'il fasse l'inventaire de tout ce qui s'offre à la vue, de tout ce que recèle comme merveilles la route qu'il suit. Comme traces présentes du passé. D'autant plus présentes qu'elles sont pour la plupart arasées. Ou carrément effacées.

Ou difficiles à déchiffrer, comme ces inscriptions gallo-grecques (langue gauloise en alphabet grec), comme cet ex-voto dédié « aux Mères Nîmoises ». Qui pouvaient comme les eaux se montrer bienfaisantes. Si on les invoquait et les remerciait selon le rite et avec les formules consacrées. Soigner aussi bien que Catherine Durillon, pédicure podologue dont on découvre au numéro 34 la plaque dorée en remontant l'avenue Jean-Jaurès. Tandis que sur l'autre trottoir, à la hauteur du n°1, c'est une « constellation constituée de 22 plaques toutes plus rutilantes les unes que les autres ». Jean-Jacques Salgon, à la manière de Georges Perec, nous en donne le détail.

Passé le plaisir de l'aptonyme -et de l'inventaire-, c'est, quelques pages plus loin, juste après les « Mères Nîmoises », cette réflexion :

«Plutôt que les déesses nîmoises, ce sont donc à mes yeux les 22 plaques médicales du 1 avenue Jean-Jaurès qui me paraissent faire écho aujourd'hui à cet antique ex-voto que l'on peut toujours voir exposé au musée de la Romanité. » 

Ainsi procède le promeneur. Il suit un itinéraire, il ne dévie pas de sa route. Mais ce qui a accroché le regard, retenu son attention et éveillé sa curiosité, ne laisse de le turlupiner. Cela chemine avec lui, ralentit sa marche, le fait revenir sur ses pas, Cela donne au texte son rythme, qui est d'abord celui de la pensée, son allure qui n'est pas celle de l'homme pressé, mais du flâneur.

 

Ainsi allons-nous, au gré de ses humeurs. Ainsi progressons-nous. De digression en digression.

Il nous perd un peu quand il met ses pas dans les pas de Vérédème jusqu'à son repaire du Gardon où il est rejoint par un autre anachorète, Gilles, de son vrai nom Aegidios, Grec tout comme Vérédème. Mais la cohabitation se passe mal, et ces chamailleries érémitiques lui rappellent la brouille, bien des siècles plus tard, entre Van Gogh et son ami Gauguin dans la Maison jaune d'Arles. Quand Gilles se voit chassé par Vérédème, Jean-Jacques Salgon se transporte avec lui en Hispanie wisigothique. Et les revoici, quelques pages plus loin, du côté de Saint-Gilles-du-Gard.

« Mais qu'ai-je ainsi à vouloir mettre toujours mes pas dans les pas d'un autre ? Je m'interroge. Je le fais dans l'espoir de parvenir à recueillir quelques traces d'un passé qui me viendrait en soutien, comme si le présent ne me suffisait pas, comme s'il fallait que le passé vienne combler un réel défaillant, un trop peu de réalité. »

 

Celui qui marche rencontre d'autres solitaires. Forcément. Si ce n'est pas sur son chemin, c'est en des temps que Proust dirait mérovingiens.

Revenons avec lui à la recherche : à l'AQUEDUC (qu'il ne perdait pas de vue en suivant Vérédème et Gilles) ; et au projet de remonter aux sources (dont il ne s'est pas, comme nous le croyions d'abord, écarté).

 

Nous commençons par Nîmes. Nous avançons par étapes. De Nîmes à Sernhac. De Sernhac à Saint-Bonnet. Des combes de Remoulins au Pont du Gard. Du Pont du Gard à Vers. De Vers à Saint-Maximin. Et pour finir Val d'Alzon et Sources d'Eure. En amont des sources d'Eure.

 

Quand le chemin est ingrat, on « est parfois contraint de s'élever un peu pour contourner un obstacle, roc de calcaire escarpé aux arêtes tranchantes, taillis trop dense, avant de vite redescendre pour ne pas risquer de perdre le fil d'Ariane qu'est le tracé supposé de l'aqueduc. Mais quelle joie quand nous tombons sur un vestige, morceau de mur bajoyer en petit appareil, bloc de radier, entaille dans la roche contre laquelle s'appuyait l'antique canal, paroi encore recouverte de son mortier de tuileau, portion de conduit empli de broussailles ou de feuilles mortes. Tout cela surgit de l'oubli pour apparaître à nos yeux comme une providentielle récompense. »

 

Juste avant le Pont du Gard. Qui ressemble, quand il apparaît, au paquebot Titanic ou à un Tyrannosaurus rex

 

Pour le temps retrouvé, il faut encore marcher quelques pages. Et ce ne sont pas les moins belles.

LE PROMENEUR ATTENTIF
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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 07:52

Il faut être un cueilleur débutant pour confondre phallus impudicus et morille. Ou s'appeler Guiraudie et montrer, avec tout ce qui pousse dans la mousse et sous les feuilles, l'irruption ininterrompue du désir. Peu importe sous quel nom ça pousse, sous quelle soutane ou sur quel mort. Du moment que ça vient garnir votre panier, vous ne faites pas le difficile. Entre ces deux « phénomènes érotiques » (pour parler comme Jean-Luc Marion), vous ne choisirez pas.

Ce qu'ils affirment, l'un comme l'autre, et de façon si insistante dans ce film qui a pour titre Miséricorde, c'est que le mort aime toujours, et qu'il faut toujours l'aimer.

Les champignons, c'est connu, « n'ont aucune éducation » (1). Et je ne veux pas dissiper le mystère -Le vrai mystère des champignons (1) ne demande pas à être éclairci-, tuer le miracle dans l'oeuf. Dans cet œuf qui a paraît-il goût de noisette, mais je n'ai jamais tâté de ce champignon, bien qu'il soit comestible, et je n'ai guère envie d'essayer.

On a beau me raconter que le phallus impudicus ne sent pas le même goût (comme on disait dans mes bois) quand il est consommé à l'état d'oeuf, que son goût de noisette n'a rien à voir avec l'odeur de charogne qu'il dégage adulte, quand il se dresse comme un membre viril, ou, chez Guiraudie, tel un crucifix, pour moi le plaisir sera toujours ailleurs. Et d'abord dans la cueillette.

Voilà pour le Satyre puant : l'autre nom du Phallus impudicus.

Que je retrouve aujourd'hui, à mon grand étonnement, parmi les alien invasive species in Europe : les « espèces exotiques envahissantes en Europe ».

Je n'ai pas rencontré beaucoup de têtes connues chez DAISIE (2). Dans ses Fungi, dans les noms qui défilaient, les centaines de noms, je n'en connaissais que deux : Clathrus ruber et Phallus impudicus.

Je ne m'attendais pas à le trouver là, dans la liste des espèces invasives. Mais c'est le propre du champignon, de tous les champignons, de nous surprendre.

Ils ne sont jamais là où on les cherche. Ils prennent un malin plaisir à nous distraire, à nous dérouter, et surgissent exactement où et quand on ne les attend pas. Dans les endroits les plus insolites, et à des moments où ils ne sont pas forcément les bienvenus. Ils sont imprévisibles, et c'est ce qui fait leur charme.

Certes, le chercheur de champignons a ses coins où il retourne, où il est certain de retrouver son cèpe, et d'autres solitaires: ils sont nombreux à aimer ces déserts. Où la famille Girolle s'est agrandie, qu'il cueillera jusqu'au petit dernier.

Il arrive qu'il ne soit pas déçu.

Mais le plus souvent, il rentre le panier vide, et il ne pense même pas à cacher sa honte sous les fougères.

Et il n'en fait pas tout un plat.

Mais le Phallus impudicus, qu'est-ce qu'il fout ici ?

Le Phallus impudicus n'est pas le mycological giant qu'on dit. Ceux qui le décrivent ithyphallique et capable de soulever des montagnes souffrent, du moins quand ils écrivent, d'un priapisme dont je crains qu'il ne soit incurable. Sans minimiser sa taille, ni sa force, il est plutôt, tel que je le vois dans mes bois, modeste voire timide. S'il exprime un désir (il est là pour ça), c'est sans emphase. Et si je veux le peindre, je dois renoncer au style épique et opter pour le registre réaliste.

Il nous surprendra toujours, mais à peine plus que les autres champignons. Certes, il y met du sien, il y ajoute l'odeur, cette méchante odeur qui trahit sa présence et qui nous conduit vers lui, vers le Satyre puant que nous redoutons un peu de découvrir dans ses œuvres, tout en marchant, attiré par la charogne, fasciné par le spectacle de la mort. Car c'est cela qu'il nous offre.

La surprise n'est pas dans cette découverte, préparée suivant un rituel immuable et en quelque sorte amortie, elle est dans la déception qu'il ménage, tout aussi savamment, quand l'odeur n'est pas suivie d'effet. Ou, pour le dire autrement, quand elle ne nous mène nulle part.

Cela aussi, les autres champignons savent le faire. Et la nature donc ! On sait depuis Héraclite combien elle aime à se cacher.

Venant d'un exhibitionniste, c'est plus inattendu.

Mais ce n'est pas de cette surprise que je veux parler. Ce dont je ne reviens pas, aujourd'hui, c'est de le retrouver dans les espèces invasives. Et envahissant la Pologne !

Pourtant, c'est ce que je découvre en arrivant chez DAISIE, et dans ses Fungi. Un Phallus impudicus envahissant la Pologne ! La carte est formelle : la Pologne est en rouge. Elle n'est pas seulement infestée de tiques, de tiques plus nombreuses et plus grosses qu'ailleurs, elle voit aussi arriver une armée. Une armée de géants. Une armada à quoi rien ne résiste.

 

  1. André Dhôtel, Rhétorique fabuleuse, le temps qu'il fait, 1998. André Dhôtel, Le vrai mystère des champignons, Klincksieck, 2022.
  2. DAISIE, acronyme de Delivering alien invasive species in Europe, est une base de données européenne sur les invasions biologiques librement consultable sur Internet par le public.


 


 

« Miséricorde » d’Alain Guiraudie © Les Films du Losange

« Miséricorde » d’Alain Guiraudie © Les Films du Losange

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20 décembre 2024 5 20 /12 /décembre /2024 05:25

Le millefiori, en français milliaflore, est une technique de fabrication de mosaïque en verre qui s'est développée en Égypte (dès le IIIe siècle av. J.-C.), puis répandue dans le monde antique. Elle arrive à Rome à la fin de l'époque républicaine et trouve très vite sa place dans la mosaïque. Dans cette mosaïque qu'on dit « rustique ».

 

Dans la « mosaïque rustique » qui décorait la « grotte d'été » de la Domus du Vicus Tuscus (littéralement le « Quartier Étrusque», ou « rue des Toscans », une des plus chaudes de Rome).

 

Nous laissons, où que nous allions sur internet, des traces de notre passage. Ce n'est pas un scoop.

J'ai cherché, pour écrire mon texte, des informations sur les grottes marines dans l'Antiquité, sur la « grotte d'été » (specus aestivus), je viens de consacrer un chapitre à la « mosaïque rustique » de MM. VILLEGER Père & Fils: maintenant les algorithmes me recommandent la Domus du Vicus Tuscus.

 

Ensevelie depuis plus de deux millénaires, cette somptueuse demeure fut découverte en 2018, dans le Parc archéologique du Colisée, et révélée au grand public par le Ministère de la Culture italien en décembre 2023.

Distribuée autour d’un atrium/jardin, la Domus a pour pièce principale une exceptionnelle « grotte d'été », une salle de banquet imitant une grotte, utilisée pendant la saison estivale, en raison de sa fraîcheur. D'une fraîcheur artificielle, comme la grotte elle-même. D'une fraîcheur créée et entretenue par un jeu hydraulique qui, en jaillissant et en coulant, déversait de l’eau dans des bassins au niveau du sol. De ces spectaculaires jeux d'eau dont le propriétaire des lieux régalait ses convives, témoignent les fistules, les tuyaux de plomb que l'on a découverts entre les murs décorés.

Cette « grotte d'été » présente une « mosaïque rustique » unique au monde. Une mosaïque murale datant des dernières décennies du IIe siècle avant J.-C., et qui, par la diversité et la richesse des matériaux utilisés, et par la complexité des scènes représentées, n'a pas d'équivalent.

 

Dans les matériaux, il y a différents types de coquillages, du corail, probablement récolté dans la mer Rouge, de quoi reconstituer un paysage marin.

Dans les tesselles qui composent cette « mosaïque rustique », on trouve aussi de minuscules éclats de marbre blanc ou d'autres types de pierre (travertin, pouzzolane) liés par du mortier et des chaînes.

Du bleu égyptien, bien sûr, et de la vaisselle en verre, de ce millefiori qui crée un effet de mosaïque multicolore. On retrouve également une rare pâte de verre bleuâtre provenant sans doute d'Alexandrie.

 

Des matériaux colorés et exotiques, rappelant les décors de théâtre de la tradition hellénistique, un luxe asiatique à la mode à cette époque, mais réservé aux plus riches.

 

On est loin des tesselles traditionnelles. Encore plus loin des cassons de vaisselle dont MM. VILLEGER Père & Fils feront leur « mosaïque rustique ».

 

L'époque n'est évidemment pas la même, et les contextes sont bien différents. En apparence du moins.

 

Ce que montre dans sa « mosaïque rustique » le propriétaire de la Domus (un aristocrate, vraisemblablement de rang sénatorial), c'est son triomphe. Ses victoires. Sur mer comme sur terre. Les villes prises, les armes, les instruments de musique (où l'on reconnaît le carnyx, la trompe de guerre celtique dont le pavillon -une hure de sanglier- et le chant n'ont visiblement pas réussi à effrayer l'ennemi). Tout cela est exhibé comme trophée. Montré aux convives. À ceux qui ont le privilège d'être invités dans cette « grotte d'été ».

 

On peut parler d'ostentation, d'étalage, dire du propriétaire de la Domus qu'il en met plein la vue. Qu'il nous gave, qu'il nous soûle avec ses exploits.

Mais MM. VILLEGER Père & Fils ont-ils le triomphe plus modeste ?

Certes, ils ne peuvent pas représenter, dans leur « mosaïque rustique », de victoires militaires, de conquêtes. S'ils ont triomphé, c'est seulement de l'adversité. Ils ont vaincu le mauvais sort, qui s'acharnait depuis le phylloxéra. Ils ont échappé, et de quelle manière, au destin. Ils ont un peu oublié la boucherie pour tâter de l'art. Ils auraient pu se contenter, comme certains de leurs confrères, de sculpter le saindoux et le suif, d'exposer entre deux pièces de boeuf leur petite cathédrale. Ils ont visé plus haut. Et de cela ils ne sont pas peu fiers. Il suffit de regarder l'affiche exhumée par les nouveaux propriétaires de la Maison de la Gaieté. De lire ce que MM. VILLEGER Père & Fils disent d'eux-mêmes et de leur « mosaïque rustique ». Comment ils nous invitent à « aller en villégiature à

CHÉRAC (Charente-Maritime)

voir la façade du CAFÉ ''LA GAIETÉ'', dont ils sont les auteurs, laquelle TOUTE EN MOSAÏQUE a déjà été l'objet de déplacement de milliers de Spectateurs, tous enchantés et émerveillés de cette œuvre artistiquement décorée que l'on pourrait qualifier d'UNIQUE AU MONDE. »

Ils n'ont pas que la vanité en commun. Ils font aussi, l'un et l'autre, l'un pas tout à fait comme l'autre, du neuf avec l'ancien.

 

À Chérac, de 1937 à 1952, c'est une vaisselle ordinaire qu'on vient porter à l'abattoir. On n'a pas les moyens de s'offrir une nouvelle vie, mais on peut au moins changer le décor. Ce qui est cassé, ébréché, ou simplement démodé, on s'en débarrasse. Plutôt que de jeter tout ça, on le donne à ces deux originaux. Qui raccommoderont, et de quelle manière, cette porcelaine. Qui lui donneront un petit coup de jeune. Une nouvelle vie. De nouvelles couleurs. Ils ont l'art d'accommoder les restes. On nourrit, avec ses vieilles assiettes, leur inspiration. On alimente leur (douce) folie. Ça les occupe, et ça nous amuse. Et ça nous réjouit, quand on vient voir, dans le village où ils installent leur petit cirque, cette fameuse « mosaïque rustique ». Ou quand on va à Chérac, admirer la façade de La Gaieté. Ou goûter, dans leur cabaret, le spectacle qu'ils nous ont concocté.

 

On ne fait pas autre chose à Rome, à la fin de l'époque républicaine.

Certes, ce sont des verres polychromes, particulièrement précieux. Produits à partir de matrices, antérieurs à l'invention (en Syrie, peu de temps avant la naissance du Christ) de la sarbacane de verrier ou canne à souffler.

Ce sont aussi des fragments d'objets réutilisés : des tiges plates, dans les corniches et les cloisons architecturales, et dans des formes définies (coupes et armes dont il ne reste que des parties ou des empreintes).

 

Les deux nous invitent, chacun à sa manière, et selon ses moyens, mais dans le même but : réjouir leurs convives, les régaler avec leur « mosaïque rustique ». Leur offrir le spectacle de leur triomphe. C'est cela qu'ils leur donnent à voir : à boire et à manger. Jusqu'à satiété. Et même au-delà.

 

 

 

La Domus del Vicus Tuscus. Photo : Simona Murrone

La Domus del Vicus Tuscus. Photo : Simona Murrone

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12 décembre 2024 4 12 /12 /décembre /2024 08:19

Ce serait une pholade, une pholade lumineuse (pholas dactylus, un dail comme on l'appelle encore), on pourrait parler de bioluminescence, rappeler que ce mollusque bivalve marin est capable de produire une lumière bleu-vert, que ce phénomène est dû à une protéine, la luciférine, fabriquée par ce coquillage comme elle l'est par la luciole, mais ce n'est pas ça.

C'est une coquille, La Coquille. Sans autre précision que le dessin. Dans un fond sombre qu'on dirait marin, malgré les teintes de terre, elle présente au spectateur sa conque lumineuse.

La lumière qui sourd de cette conque, dont elle est l'unique source, loin de nous éclairer, rend la chose opaque, nous fait voir autre chose.

C'est ce qui explique, sans doute, qu'elle n'ait été dévoilée au public qu'après la mort d'Odilon Redon.

On parle bien d'une coquille. De La Coquille d'Odilon Redon, Pastel sur papier réalisé en 1912. La même année que La Naissance de Vénus (Huile sur toile). Avec le même modèle, qu'il fait poser nu dans son atelier (Alphonsine Zabé, recommandé par Maurice Denis).

De cette Coquille, on dit qu'elle se souvient de L'Origine du monde (1866), qu'elle est un hommage à Courbet. C'est possible.

Ce qui est sûr, c'est le symbole. On voit clairement un sexe de femme, encore plus clairement que dans le tableau de Courbet. Voilà pourquoi La Coquille resta si longtemps cachée.

La Coquille est une nature morte. Une des rares natures mortes d'Odilon Redon. Cette still life n'est pas seulement vivante, elle est aussi présente. Extraordinairement présente.

C'est l'oeuvre d'un symboliste. D'un coloriste. Revenu, avec le pastel, à la couleur.

Le pastel lui permet de retravailler en couleur d'anciens « noirs », comme Vieil Ange.

Et d'aborder de nouveaux sujets, telle La Naissance de Vénus où d'une coquille jaillissent toutes les couleurs de la nacre, des couleurs qui vont du blanc argenté au rose clair, et que l'on retrouve dans les irisations du ciel et de l'eau.

De nouveaux sujets, papillons et fleurs, avec une nouvelle et violente intensité chromatique.

Voici donc La Coquille. Ou plutôt le coquillage. Un coquillage qui a recouvré sa couleur d'origine. Un coquillage rose. Comme par enchantement.

Un enchantement qui est l'oeuvre du peintre. Ici Odilon Redon. D'un coquillage rapporté des Seychelles par un de ses amis réunionnais, Ary Leblond, il a fait ce miracle. Une conque redevenue, l'espace d'un Pastel, grotte marine.

À quelles agapes elle nous invite, on ne saurait dire. À quels mystères, à quelles initiations.

 Odilon Redon La Coquille 1912 pastel sur papier H. 52,0 ; L. 57,8 cm. Legs Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils d'Odilon Redon, 1982 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Odilon Redon La Coquille 1912 pastel sur papier H. 52,0 ; L. 57,8 cm. Legs Mme Arï Redon en exécution des volontés de son mari, fils d'Odilon Redon, 1982 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

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